Solidées : Quels apports à l’innovation sociale ?
Toutes ces années passées au service du rêve des autres m’ont permis d’apprendre beaucoup sur l’humain vivant dans une grande métropole française.
Tout d’abord son aspiration profonde à vouloir retrouver, du sens, du lien social et l’expression de ses valeurs, de ses motivations intrinsèques. Mais aussi l’aggravation continue du nombre de personnes en souffrance du fait de ces manques.
Jusque-là la société fournit un cadre clair pour aider ces personnes en quête de reconversion, au travers de l’offre variée de dispositifs d’aide à la création d’entreprise ou d’aide à la reconversion professionnelle. Or comme on va le voir dans la suite, comment faire avec une société mondiale en pleine mutation dont les élites incarnent et maintiennent en place des valeurs qui sont maintenant majoritairement rejetées par des citoyens qui aspirent à un autre futur désirable, soutenable ou durable. Au-delà comment accueillir non plus des entrepreneurs, mi individu mi héro, mais des collectifs d’individus que rien n’a spécialement préparé à devenir entrepreneur mais qui veulent faire émerger de nouveaux produits ou services plus en adéquation avec ce futur dont ils rêvent et qui se veut souvent plus respectueux de l’Humain et de la Nature ?
Avec l’association Solidées, nous avons pu apprécier, année après année, le nombre de plus en plus croissant de ces citadins (toulousains) sensibles au besoin d’une nouvelle donne basée sur le respect de la nature, de l’Humain avec comme moyen pour y parvenir l’économie. Comme me l’ont dit un jour John Jordan et Isabelle Frémeaux, auteurs en 2011 d’un livre-film « les sentiers de l’Utopie« ,
De plus en plus de gens désertent ce modèle de société dévastateur. Vous avez prévu quelque-chose pour ces « déserteurs » ! Merci pour eux !
Solidées est parti d’un concept de partage d’idées de projets solidaires à « saisir », mais bien peu de ces projets ne trouvaient preneurs car dans le fond ils étaient pensés par d’autres. Or il apparait très difficile de porter un projet qui ne soit pas fondamentalement alignés sur ses propres valeurs. On peut au mieux y collaborer, y participer, mais rarement s’y investir comme « entrepreneur ».
Assez rapidement, il nous est donc apparu obligatoire de nous focaliser sur les êtres et leurs richesses personnelles afin de permettre à tous ces potentiels de s’exprimer et de s’interconnecter dans le but de faire naître de petits groupes projets. Comme ce fut le cas pour nous-mêmes, les fondateurs de Solidées.
A force de rencontres, d’échanges et de collaborations, nous avons co-élaboré une méthodologie simple, précise et efficace de (re)création de liens que nous avons nommé : Communication Co-Créative.
Cette forme de communication permet à chaque participant de disposer de temps où il va pouvoir exprimer qui il est et en retour recevoir une reconnaissance des autres participants. Ce faisant, il va tout à la fois être à même de prendre confiance dans l’expérience qu’il partage et s’ouvrir à celle des autres, qui que soit cet autre. Nous avons observé que plus les participants partagent leur expérience authentiquement et plus la capacité créative du groupe s’améliore. Cette communication est donc dite co-créative car chacun est responsable de part son authenticité vis à vis de lui-même de la « performance »créative globale du groupe. La créativité collective qui en découle peut être mise au service de n’importe quelle cause juste. Nous avons décliné différents formats afin de répondre à plusieurs besoins fréquemment rencontrés par les personnes en reconversion professionnelle : Le besoin de s’entraider pour trouver des solutions à des problèmes matériels du quotidien, pour questionner, approfondir un concept d’activité sociale, solidaire, culturelle ou environnementale, pour rencontrer des partenaires, ou encore pour se former et partager des expériences sur des thèmes-clés de l’entrepreneuriat social.
Cette forme de communication est toujours au cœur de ma pratique aujourd’hui, bien que n’étant plus directement acteur de Solidées sur la ville rose aujourd’hui.
Une fois mise au point, nous avons pratiqué avec succès La Communication Co-Créative auprès de nombreux publics y compris auprès de ceux les plus en difficultés notamment grâce à l’intermédiation de la formidable association Silicon Deniers.
Les mois passant, 20% des participants revenant régulièrement à nos rencontres, chaque personne a pu amorcer pour lui-même : un début de réseau, une réflexion positive et bienveillante sur ce qu’il aimerait faire de son futur professionnel, et les premières solutions pour parvenir à passer à l’action et tout cela en permettant aux autres de faire de même.
Dès lors, Solidées remplit une fonction de pré-incubateur d’innovation sociale sur l’agglomération toulousaine. Cette position de pionnier a interpellé les collectivités et c’est ainsi que nous avons été invités à participer à la création des 2 incubateurs institutionnels Première brique et Catalis. Ces derniers accompagnent régulièrement des anciens participants des ateliers Solidées, qui sont passés à l’acte !
Qu’elle débouche ou non sur un projet concrétisé d’entreprise sociale et solidaire, l’expérience des participants à Solidées est toujours positive et permet à chacun de franchir un cap dans sa reconversion ou sa transition professionnelle vers un futur plus désirable. Les nombreux témoignages recueillis vont tous dans ce sens. Le résultat est encore plus flagrant pour les membres actifs de l’association, c’est à dire celles et ceux qui se responsabilisent bénévolement et assurent le dispositif de rencontres.
Solidées se distingue de tous les réseaux et évènementiels de mise en relation par nombre d’aspects qui additionnés s’ancrent tout à la fois dans une tradition mais aussi dans l’innovation :
- La gratuité et le non subventionnement du modèle basé sur le don et le contre-don
- La garantie offerte à chaque participant qu’il pourra disposer d’un temps pour s’exprimer et être écouté de façon bienveillante
- La mixité de genre ainsi que la mixité sociale et générationnelle de chaque rencontre
- L’approche pair à pair des rencontres où chaque participant est aussi un accompagnant pour les autres
- L’appui d’outils de communication et de collaboration numérique simples et basés sur des logiciels libres
Ces caractéristiques simples et agiles, sont surement à l’origine de sa longévité, contrairement à d’autres dispositifs parfois plus élaborés qui soit se sont arrêtés ou tiennent avec l’appui de subventions publiques. Ainsi, nous avons partagé notre chemin de création avec une structure inspiratrice amie et lyonnaise qui s’appelait « District Solidaire« . Cette association aujourd’hui disparue a fait l’objet d’un travail de retour d’expérience détaillé pour le compte d’un Think Tank parisien qui met en lumière ce besoin de légèreté pour ces dispositifs d’innovation sociale. Ce qui constitue en soi une forme de paradoxe, car, rappelons-le, le propre de l’innovation sociale est d’apporter une solution à une question à laquelle ni le marché, ni la puissance publique n’apporte de réponse satisfaisante. La complexité des questions à traiter amène naturellement et fréquemment une lourdeur dans les réponses élaborées. Il est souvent plus difficile de faire simple !
C’est ce qui est arrivé à District Solidaire en voulant d’emblée constituer un écosystème complet de citoyens consomm’acteurs qui participent et soutiennent par leurs achats et leur accompagnement bénévole tout le processus de création d’entreprise depuis l’envie des postulants couplée au besoin du territoire jusqu’à la mise en place de l’activité et les premières commandes. Malgré une fin prématurée due à de nombreux facteurs bien documentés, ce dispositif a permis de faire naitre de belles activités telles que : 3 petits pois
Bien entendu, Solidées a souvent fait l’objet de critiques principalement sur 2 points :
Le manque de prévisions possibles quant aux résultats du dispositif en terme d’emplois ou d’entreprises crées et l’absence d’accompagnement personnalisé et individualisé. Ces critiques sont justifiées si l’on regarde le côté utilitariste d’une telle association. En revanche ces « défauts » sont autant de qualités si l’on pose au premier plan le côté humaniste et écologique de cette structure.
En effet, la plupart des dispositifs d’aide à la reconversion où à l’innovation sociale étant financés par des tiers privés ou publics, comment imaginer que les intérêts et la politique de ces financeurs n’orientent pas in fine la forme et le fond des ateliers et des formations proposées qui donc s’attachent trop rarement à l’être qu’est le créateur ou plus encore le groupe d’innovateurs. Si l’accompagnement d’un individu créateur d’entreprise est bien connu et dispose d’une offre large, que dire de l’accompagnement d’un groupe de créateurs qui sont à la base des innovations sociales que nous connaissons ? Répondre à cette demande nécessite une connaissance fine des mécanismes de coopération ainsi qu’une compétence sur la facilitation de dispositifs d’entreprenariat en collectif. Sur ce chemin, je tiens à saluer la qualité du travail que nous avons effectué en collaboration étroite avec Catalis, l’incubateur d’innovation sociale de Midi-Pyrénées qui accueille en 2017 sa 6ème et 7ème promotion d’innovateurs sociaux.
Avec Solidées nous avons clairement fait le choix de proposer une réelle innovation sociale dans la mesure où l’association garantit à chaque participant le respect de ses idées, de ce qui l’enthousiasme ou le fait rêver sans a priori utilitariste. Il s’agit pour nous d’offrir un cadre qui autorise les rencontres des imaginaires, et la co-création d’imaginaires communs sans arrières-pensées afin de donner une chance à de nouvelles graines pour de nouveaux possibles.
La solidarité au service des projets citoyens (version longue) from On passe à l’acte on Vimeo.